
Jacques MOTTE, maire de 1989 à 2001, et maire honoraire, a compilé des récits de germinois sur la guerre 1939 - 1945 à Saint Germain le Fouilloux.
SAINT GERMAIN LE FOUILLOUX PENDANT LA GUERRE 1939-45
Le 2 septembre 1939, SAINT GERMAIN LE FOUILLOUX s'est réveillé en état de guerre. Sans surprise, car déjà un certain nombre de jeunes avaient été mobilisés. Avec ceux qui furent incorporés plus tard, tel Monsieur D. en avril 40, une cinquantaine d'habitants de la commune ont été appelés sous les drapeaux. Hélas, dès le 1 septembre 1939, on apprenait le décès, dans son régiment, de Camille HAUTB0IS.
Après les hommes, ce sont les chevaux qui furent réquisitionnés. Un certain nombre de nos beaux percherons sont allés servir dans l'artillerie. Ce fut ensuite, l'arrivée des "réfugiés". C'étaient des civils habitant dans les régions frontalières menacées par la guerre, que l'administration repliait préventivement à l'intérieur. ST GERMAIN reçut ainsi des civils du département de L'Aisne qui burent hébergés dans les bermes et dans le bourg jusqu'à l'armistice de juin 1940.
A signaler aussi, en ce début de guerre, une unité de l'Armée Anglaise qui resta plusieurs semaines cantonnée dans la propriété du Fouilloux. Le 10 mai 1940, l'Armée Allemande attaque et, après avoir écrasé les troupes alliées, envahit notre pays. Cela provoque un nouvel afflux de réfugiés de Belgique et du nord de la France, qui fuient devant l'ennemi. Un certain nombre s'arrêtèrent à ST GERMAIN jusqu'à l'armistice.
L'Armée Française bat en retraite. La dernière troupe à traverser notre commune semble être une unité de cavalerie quia cantonné près de La Guerrière. Repartie en pleine nuit, elle s'est fait capturer par les Allemands sur la route de La Baconnière.
Puis ce fut l'arrivée des troupes allemandes. C'est avec beaucoup de frayeur qu'elles étaient attendues, car chacun avait le souvenir des atrocités qu'on leur avait prêtées durant la guerre 14-18. En fait, tout s'est passé sans incident. Madame D. se souvient très bien de sa peur quand elle vit un soldat allemand près de chez elle; lequel se contenta de lui demander des œufs qu'elle s'empressa de lui donner sans exiger son dû naturellement.
Des troupes allemandes vinrent cantonner, au début au château de Fouilloux au presbytère, dans l'école libre, à la Thubertière et dans diverses maisons du bourg. Durant toute la guerre, des unités allemandes se relayèrent à ST GERMAIN. Elles occupèrent en permanence La Thubertière et quelques maisons du bourg. Si besoin était, en raison de leur nombre, la mairie leur fournissait des bons de logement pour occuper des pièces chez l'habitant. De même pour leur nourriture, la mairie taxait les fermes d'une certaine quantité d'œufs, de beurre, de poulets et lapins. Les fermiers devaient apponter tout cela au bourg le lundi, et ces vivres, qui Leur étaient payés, étaient réceptionnés par mesdemoiselles COURAPIED, épicières à La Marpaudière.
Et ainsi, ST GERMAIN s'est mis à vivre à l'heure allemande. La première inquiétude était le sort des soldats de la commune pris dans les combats. Peu à peu les nouvelles arrivèrent : une trentaine des nôtres étaient prisonniers, la plupart en Allemagne. Quant aux autres, ils burent rapidement démobilisés et rentrèrent au village. Aucun n'avait été tué. Malheureusement, un prisonnier, Auguste GUESDON devait décéder le 15 mai 1942.
Sous l'occupation allemande, c'étaient le couvre-feu avec l'interdiction de sortir entre certaines heures, l'occultation de toutes les lumières, aussi bien des maisons que des véhicules et des bicyclettes, l'interdiction de détenir des armes (des fusils de chasse furent cachés dans des émousses, comme le raconte Monsieur B.), de nouvelles réquisitions de chevaux.
L'interdiction de chasser amena au braconnage avec collets, filets, furets, bourses etc. Monsieur R., le meilleur braconnier, paraît-il, arrivait à prendre d'un coup plusieurs dizaines de perdrix avec lanternes et filet.
Quant aux enfants des écoles, ils apprirent à chanter "Maréchal nous voilà" en lieu et place de La Marseillaise.
Les allemands obligeaient les fermiers à prendre, à tour de rôle, pour les faire travailler, mais avec devoir de les nourrir, des prisonniers militaires algériens détenus à CHANGE. Ceux-ci étaient répartis par groupe de cinq surveillés par un gardien allemand armé.
Le grand événement durant cette première partie de la guerre ce fut, le 2 octobre 1941, la visite impromptue à ST GERMAIN de l'Amiral DARLAN qui était alors, le chef du gouvernement français à VICHY et successeur désigné du Maréchal PETAIN. C'est dire l'importance du personnage et le côté incroyable de cette visite en pleine occupation allemande.
Les raisons de ce voyage restent obscures, mais il faut savoir que l'Amiral DARLAN avait comme proche collaborateur, L'Amiral de la MONNERAYE, frère de notre maire, qui l'accompagnait. Il devait être reçu à déjeuner au Château de Fouilloux.
Comme il ballait que les choses soient bien faites, L'Amiral DARLAN, Chef du gouvernement, a été accueilli off66iciellement dans notre petite mairie et c'est le Jeune C.M. qui lui a remis la gerbe d'honneur.
Notre commune a tiré profit de cette visite car l'Amiral lui a fait un don de 10 000 francs. La répartition, selon des critères que nous ignorons, de cette somme entre différents habitants de ST GERMAIN a été décidée au cours du conseil municipal du 9 novembre 1941. Trente familles ont donc bénéficié de cette attribution.
A la fin de l'article paru dans le Bulletin de 1992, nous avons laissé la commune de SAINT GERMAIN s’enfoncer peu à peu dans la nuit de l'occupation allemande avec tous les interdits et les restrictions qui ont rendu cette période si sombre.
Les combats étaient alors loin, en Russie principalement, les relations avec les prisonniers retenus en Allemagne étaient régulières, les problèmes de ravitaillement se posaient surtout dans les villes, même si le pain fabriqué à SAINT GERMAIN était tout aussi noir que partout ailleurs.
Beaucoup d'habitants des villes venaient acheter directement de la nourriture dans les fermes de la commune car le ravitaillement officiel ne leur suffisait pas. Les villageois envoyaient des colis de produits alimentaires à leurs parents et amis qui ne pouvaient pas venir jusqu'à eux.
L'absence des prisonniers retenus en Allemagne se faisait durement sentir dans leurs familles, absence qui, pour beaucoup, dura cinq ans. On imagine le désarroi des épouses, des parents, des enfants qui, tout en souffrant de cette séparation, devaient assurer la vie matérielle et l'exploitation de la ferme à la place du chef de famille. Régulièrement, des fêtes étaient organisées dans la commune afin de recueillir de l'argent pour adresser des colis aux prisonniers.
La vie communale était elle-même ralentie. La lecture des Compte-rendu des Conseils Municipaux de l'époque est bien monotone. La grande activité des Conseils était de répartir les aides allouées aux familles les plus démunies, dont celles des prisonniers naturellement. Une Seule question sortant de l'ordinaire a occupé quelques conseils, à savoir l'aménagement d'un terrain de sport que le gouvernement de VICHY donnait l'ordre de construire dans toutes les Communes pour les enfants des écoles. Quel problème pour ST GERMAIN qui ne disposait pas de terrain disponible! Finalement, il fut décidé que ce terrain serait construit sur une parcelle dépendant du presbytère. Mais tout fut mené si lentement que la guerre se termina avant que rien ne fut fait.
Mais peu à peu la guerre se rapprocha de SAINT GERMAIN. Tout d'abord par des décisions prises par les Allemands. Ceux-ci exigeaient que les jeunes hommes de 20 à 22 ans soient envoyés en Allemagne pour travailler dans les usines. Quelle triste perspective pour eux et leur famille. Aussi un certain nombre a refusé ce départ mais a dû alors vivre cache pour éviter les rafles organisées par l'occupant et la police française. Ce fut le cas pour des jeunes de ST GERMAIN et notre village en cacha d'autres venus de l'extérieur. Ces jeunes insoumis furent appelés réfractaires, et depuis la guerre, ils sont regroupés en Associations encore bien vivantes.
A ce nouvel aspect de la guerre pour ST GERMAIN, s'ajoutèrent alors les bombardements aériens effectués par les anglo-américains. Les ponts et les gares étant visés en priorité, LAVAL et MAYENNE subissent des attaques dont certaines furent sanglantes. Cela provoqua un exode des habitants des villes vers les villages et les fermes, ce fut le cas pour notre commune qui hébergea de nombreux Lavallois.
SAINT GERMAIN ne paraissait pas devoir être un objectif justifiant la visite de bombardiers alliés. Et pourtant, trois bombes ont été larguées en plein jour sur notre commune : une a explosé près de la route de Saint Ouen, une près de Brunard et la troisième est tombée, sans exploser, dans un champ de la Bezanterie. Cela fit commettre à Robert Favris une grosse imprudence : au risque de la faire sauter, il la fit tirer par ses chevaux jusqu'à une haie où les services de déminage la firent exploser en 1948.
A cette époque, les Allemands s'attendaient à un débarquement des alliés, ignorant jusqu'au bout la région où il se déroulerait. Ils décidèrent de faire creuser partout le long des routes des trous où pourraient se réfugier leurs soldats s'ils étaient attaqués par des avions au cours de leurs déplacements. Les habitants de ST GERMAIN furent donc requis pour creuser des trous le long de la route de St Ouen, sous la responsabilité du maire ou de son représentant.
Bombardements, mesures de précautions, tout ceci annonçait le débarquement libérateur. Et, une nuit, en effet, celle du 5 au 6 juin 1944, les habitants qui ne dormaient pas ont entendu le grondement lointain et continu provoqué par les millions de bombes lâchées par les avions et par les milliers .d'obus tirés par la marine des Alliés sur la côte normande.
Durant la même nuit et tous les jours qui suivirent, on put entendre de ST GERMAIN le bruit des convois allemands en route vers le Nord, vers la Normandie, dont beaucoup furent détruits par l'aviation avant d'arriver sur le front. En même temps, SAINT GERMAIN vit partir les derniers Allemands stationnés dans le bourg.